Visages de la recherche | Gerhard Heinzmann, membre de l’Institut International de Philosophie
Cette année, les Archives Henri Poincaré fêtent leur trentième printemps. Nous profitons de l’événement pour rencontrer Gerhard Heinzmann, fondateur de ces archives, nommé en octobre dernier membre du prestigieux Institut International de Philosophie.
Que représente cette nomination à l’Institut International de Philosophie et quelles sont les conditions pour être élu ?
Gerhard Heinzmann : « C’est tout d’abord un immense honneur d’être élu membre de l’IIP. Je considère que mon élection a tout d’abord pour objectif de valoriser les archives de cette vénérable institution. J’ai d’ailleurs constaté récemment avec une certaine fierté que l’adresse de « l’Institut International de Philosophie » (https://www.i-i-p.org/), soutenu par le CNRS, l'Institut de France et l’Unesco, était désormais celle de l’Université de Lorraine au 34, Cours Léopold à Nancy. C’est évidemment lié au fait que j’ai pu chercher les archives de l’IIP en 2020 Boulevard Raspail à Paris ! L’IIP est actuellement composé d’une centaine de philosophes issus de plus d’une quarantaine de pays du monde entier. En France, je suis aux côtés notamment de Pascal Engel, Hourya Benis Sinaceur, Ali Benmakhlouf, Anne Fagot-Largeault et Bertrand Saint-Sernin. Notre mission est d’encourager le dialogue entre arts, lettres, sciences et techniques, de favoriser l'ouverture mutuelle des cultures, des mentalités, des traditions et de proposer à l’UNESCO des programmes de recherche en y définissant les grandes orientations. Nous nous réunissons une fois par an chaque fois dans un pays différent.
La condition pour être élu est d’être connu et reconnu par les pairs et d’être impliqué dans des organisations qui mettent en avant le travail collectif. Par exemple, j’étais président de l’Académie Internationale de philosophie des sciences (Bruxelles) de 2014 à 2021. Également, mes travaux en philosophie des mathématiques sont reconnus, notamment sur Henri Poincaré qui a été central dans ma recherche et j’ai fondé le 8 février 1992 les Archives Henri Poincaré. »
Que contiennent les archives de ce prestigieux institut ?
Gerhard Heinzmann : « Les procès-verbaux administratifs de l’IIP depuis 1937 contenant les candidatures, les entretiens pour intégrer cette institution. On y trouve également tous les actes des Entretiens annuels ainsi que les « Chroniques de philosophie » qui sont une sorte de vue d’ensemble sur les activités philosophiques dans le monde entier couvrant la période de 1938 à 2014 ; le dernier volume traite par exemple de la « Philosophie de la justice ». Il y a ensuite des textes « Philosophie et communauté mondiale » destinés à illustrer l’idée de tolérance et à favoriser l’ouverture mutuelle des mentalités et l’interpénétration des cultures. Y sont finalement réunis les très intéressants volumes « Philosophes critiques d’eux-mêmes » ; dans cette série quelques philosophes les plus connus analysent leurs œuvres et critiquent eux-mêmes leurs textes et leur pensée. Se sont par exemple prêtés à l’exercice Pierre Aubenque, Joseph Bochenski, Margaret Chatterjee, Hans-Georg Gadamer, Henri Gouhier, Jaakko Hintikka, Emmanuel Lévinas, Kotha Satchidananda Murthy,
Francisco Miró Quesada, Mourad Waba, Georg Henrik Von Wright.»
Vous avez fondé les Archives Henri Poincaré. Pourquoi Henri Poincaré ?
Gerhard Heinzmann : « Henri Poincaré était mathématicien et physicien né à Nancy mais aussi philosophe car il réfléchissait sur les présuppositions conceptuelles de la physique et des mathématiques. Il a notamment mis en avant à la fois des éléments conventionnels et intuitifs dans les sciences et souligné qu’une preuve mathématique rigoureuse ne prouve pas encore que nous avons compris le théorème ! Il nous a appris à voir le mathématicien comme un artiste, un créatif pour lequel les définitions et les concepts bien choisis sont aussi importants que les preuves.
Bien que les Archives Poincaré soient spécialisées dans la recherche sur Poincaré, la philosophie des sciences et de la logique en général font dès le départ également partie de ses missions, surtout sous la perspective de la philosophie analytique. Ainsi, dernièrement, nous avons pu acquérir près de 1250 volumes de sciences et de philosophie des sciences, suite au legs de notre collègue Jacques Bouveresse, professeur de philosophie au Collège de France, décédé en mai dernier. Les héritiers ont respecté sa volonté.
Pour la création des Archives Poincaré, nous avions bénéficié d’un soutien local, régional et national mais également d’une forte solidarité franco-allemande, à quoi s’est ajouté l’engagement de l’équipe fondatrice des Archives Henri Poincaré : Philippe Nabonnand, Pierre-Edouard Bour, Laurent Rollet et Jean-Louis Greffe ».
En savoir plus sur les Archives Henri Poincaré : https://poincare.univ-lorraine.fr
Crédit photo : Sébastien Di-Silvestro
Source : Factuel
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En partageant leurs parcours, leurs métiers, et leur vision de l'avenir, ces femmes et hommes révèlent des domaines scientifiques parfois méconnus et l'impact de leurs travaux sur les grands enjeux de notre société. Au-delà de leurs contributions scientifiques, ils incarnent l'engagement de la recherche publique, reflet de la mission du CNRS au service d’un progrès durable qui bénéficie à toute la société.