30 ans des AHP | 1992 : naissance des Archives Henri-Poincaré !
Les Archives Henri-Poincaré ont 30 ans : un tel anniversaire appelle un exercice de rétrospection.
C’est le 8 février 1992, qu’elles étaient inaugurées à Nancy par le président de l'Université Nancy II, René Hodot, sous la dénomination d’Archives – Centre d’Études et de Recherche Henri-Poincaré, comme équipe recommandée par la DRED (Direction de la recherche et des études doctorales du ministère de l’Education nationale).
Elles bénéficiaient d’un comité de patronage prestigieux : le petit-fils du savant, François Poincaré ; le mathématicien Jean Dieudonné (Académie des sciences), le philosophie Henri Gouhier (Académie française) ; l’historien Jean Schneider (Académie des inscriptions et belles lettres). La composition de ce comité reflétait autant l’interdisciplinarité de Poincaré, qui fut tout à la fois mathématicien, physicien, astronome, philosophe, et celle du projet fondateur du laboratoire.
Un laboratoire à la frontière des disciplines et des territoires
Il n’est pas anodin que ce centre ait été installé au sein du département de philosophie de l’établissement de lettres et sciences humaines qu’était l’Université Nancy II. L’ambition fondatrice était, à l’instar de la figure exemplaire de Poincaré et au travers d’un travail sur son œuvre, d’opérer un rapprochement entre des univers institutionnellement séparés, les sciences mathématiques et les études réflexives (philosophiques et historiques) menées à leur sujet. Comme Gerhard Heinzmann l’affirmait dans son allocution, « si difficile qu'il soit de modifier les traditions universitaires, l'implantation des Archives Poincaré nous offre une occasion privilégiée d'inciter le philosophe à réfléchir sur la pratique scientifique et le scientifique à réfléchir sur la pratique scientifique ». C’est ce que révèle également la composition du Groupe de recherche sur la philosophie des mathématiques Saar-Lor-Lux, créé en 1990, l’ancêtre des Archives Henri-Poincaré, mêlant mathématiciens, physiciens, philosophes, logiciens (membres notamment des trois établissements universitaires de Nancy), ou les sujets des conférences organisées en 1990-91 : « Qu’est-ce qu’une loi physique ? » (J. Vuillemin), « Hilbert’s Axiomatic Programme and Philosophy » (V. Peckhaus), « La logique de McColl » (M. Astroh).
Positionné à la frontière des disciplines, l’équipe l’était aussi à celle des territoires. Comme l’indique l’expression « Saar-Lor-Lux », les chercheurs impliqués étaient localisés aussi bien à Nancy qu’à Luxembourg (comme le mathématicien Jean-Paul Pier) ou à Sarrebruck (comme les philosophes Kuno Lorenz et Michael Astroh). Ancrée dans un environnement qui était déjà celui de la Grande Région, l’équipe affirmait également sa vocation internationale. La commission de surveillance des travaux était ainsi composée de Patrick Suppes (Université de Stanford), Christian Thiel (Université d’Erlangen), Pierre Dugac (Institut Henri-Poincaré, Paris) et Elie Zahar (London School of Economics).
Documentation, recherche, édition et enseignement
Si le laboratoire a constitué dès le départ un lieu de recherche et, avec son implantation dans le département de philosophie, d’enseignement, son nom indiquait également sa vocation à rassembler et valoriser les archives d’Henri Poincaré et la documentation relative à son œuvre. C’est ainsi qu’il faut saluer encore aujourd’hui les gestes sans lesquels le projet même des Archives Henri-Poincaré serait sans doute resté lettre morte : le dépôt, par Pierre Dugac et François Poincaré, des photocopies de la correspondance de Poincaré, et celui, par Pierre Lescanne, des 11 volumes de ses Œuvres complètes ayant appartenu à la fille du mathématicien (auxquels se sont ajoutés des prêts de documents par l’Institut Henri-Poincaré et la Librairie scientifique Albert Blanchard). Se trouvaient dessinées les conditions d’un des projets fondateurs de l’équipe : compléter les Œuvres complètes, par l’édition de la correspondance, réaliser une bibliographie exhaustive des publications poincaréennes. Le projet éditorial, qui trouvera dans les deux années à venir son achèvement avec l’édition de la correspondance avec les mathématiciens, et du deuxième tome de la correspondance administrative et privée, a profondément renouvelé la compréhension de l’œuvre, mais aussi de la vie (privée, intellectuelle, institutionnelle) d’Henri Poincaré.
Il faut souligner également que le versant archivistique et documentaire des activités du laboratoire ne s’est, dès le départ, jamais limité au seul Poincaré. À preuve le fond de 2000 tirés à part en logique acheté à Alfons Borgers (logicien flamand, Managing Editor du Journal of Symbolic Logic de 1953 à 1983) par l’Université Nancy II en 1991, grâce au soutien de Bernard Guerrier de Dumast, alors adjoint au maire de Nancy. Que le premier fond des Archives Henri-Poincaré ait concerné la logique est un fait, au vu du scepticisme de Poincaré quant aux conceptions logicistes et formalistes des mathématiques, qui mérite d’être signalé.
Avec cette inauguration, le laboratoire était lancé. Un mois et demi plus tard avait lieu la première conférence consacrée à « Poincaré and Predicativity », donnée par Solomon Feferman (Université de Stanford). Mais à l’heure de ce retour dans le passé, nous n’oublions pas que, en même temps qu’à Henri Poincaré, c’est aussi au philosophe lorrain Raymond Ruyer qu’un hommage était rendu ce 8 février : son nom fut ce jour-là donné à la salle de l’institut de philosophie de l’Université Nancy II. On pourra lire, dans le livret de l’inauguration, le beau texte de l’allocution que Louis Vax, disparu il y a peu, avait prononcé à cette occasion.
Quelques documents d'archives supplémentaires :
Quelques documents d'archives supplémentaires :
- Le livret d'inauguration des Archives - Centre d'Études et de Recherche Henri Poincaré
- La présentation et la facture du fonds Alfons Borgers
- La convention de dépôt des Œuvres complètes de Poincaré
- L'article consacré à l'inauguration paru le 10 février 1992 dans l'Est Républicain (© L'Est Républicain, 1992. Tous droits réservés)