Visages de la recherche | Annie Robin, Médaille François-Dominique Arago 2024

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Annie Robin, chercheuse émérite au CNRS, est une figure incontournable de l'astrophysique, récemment honorée par le prix François Dominique Arago 2024. Dans cet entretien, elle revient sur son parcours scientifique exceptionnel, les découvertes qui ont marqué sa carrière et l'importance de cette reconnaissance pour elle ainsi que pour la communauté scientifique.

Vous êtes chercheuse émérite au CNRS avec une carrière remarquable. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à choisir cette voie scientifique ? 

Petite, j’étais curieuse de tout et je rêvais de devenir chercheuse, mais je n’étais pas focalisée sur un sujet en particulier. C’est après une maîtrise de physique-chimie que j’ai voulu me spécialiser en physique. J’avais le choix du sujet, mais après un stage en physique des particules à Grenoble et au CERN, j’ai préféré me tourner vers l’infiniment grand, l’Univers, les étoiles. Après un DEA à l’observatoire de Meudon, mon goût, encore renforcé pour l’astrophysique, m’a conduite à un sujet de thèse proposé à l’observatoire de Besançon. Il portait sur la modélisation de la Voie lactée, un sujet complexe mais très riche et prometteur à une époque où les techniques instrumentales et les missions spatiales, telles que Hipparcos, étaient en plein essor. Il s’agissait d’étudier les différents processus physiques à l’œuvre dans l’évolution de la Galaxie, de comprendre comment on pouvait tirer des informations sur l’âge des étoiles à partir d’observations de différents types—photométriques, astrométriques et spectroscopiques—de tester des scénarios de formation et d’évolution de la Voie lactée, et en particulier de ses populations stellaires, ainsi que d’étudier les mouvements des étoiles pour en déduire des informations sur la dynamique galactique, etc.

Votre travail a eu un impact significatif en astrophysique. Quels sont, selon vous, les moments clés ou les découvertes majeures de votre carrière ? 

Le développement du modèle de la Galaxie de Besançon s’est fait en plusieurs étapes et des avancées significatives ont donné lieu à des publications tout au long de ma carrière. Ces travaux ont été menés en équipe, avec la participation cruciale d’étudiant·e·s en thèse et de collaborateur·ices. La description du modèle de synthèse de population a été publiée en 1986, suite à mon travail de thèse, mais c’est la version de 1987 incluant des contraintes dynamiques qui a constitué une avancée notable, citée près de 250 fois. Ensuite, de nombreux progrès ont été faits dans la compréhension des populations du disque mince et du disque épais, notamment concernant le taux de formation d’étoiles et la cinématique des étoiles, ce qui a donné lieu à une version actualisée du modèle parue en 2003, citée près de 1800 fois. Le modèle a été mis en ligne sur le site de l’observatoire de Besançon, permettant la fourniture de simulations de catalogues d’étoiles à la demande d’utilisateurs de nombreux pays, acquérant ainsi une reconnaissance internationale. Nous avons également obtenu des contraintes sur la structure de la barre de la Galaxie et les caractéristiques de ses étoiles, ainsi que sur le gauchissement du disque mince. Grâce à la publication du catalogue de la mission spatiale Gaia, nous avons établi des liens entre la cinématique des étoiles et leur distribution spatiale, en relation avec le potentiel gravitationnel de la Galaxie. Le modèle est également utilisé pour tracer la poussière à travers l’extinction et le rougissement subis par les étoiles, ce qui permet de représenter en 3D la structure du milieu interstellaire dans le plan galactique. Enfin, le modèle est une référence pour la préparation et l’analyse de grandes missions spatiales, principalement la mission Gaia, mais également Euclid et PLATO.

Vous avez reçu un prix prestigieux de l'Académie des Sciences. Qu'est-ce que cette reconnaissance représente pour vous et pour la communauté scientifique ?

Cette reconnaissance confirme l’utilité du modèle pour une grande partie de la communauté astrophysique, que ce soit pour la compréhension des étoiles, de la Galaxie ou du milieu interstellaire, et dans une certaine mesure pour l’étude de la matière noire dans la Galaxie. Le modèle est utilisé pour des objectifs bien plus variés que je ne l’avais imaginé au départ. Cela confirme que la ténacité et les recherches de longue haleine peuvent être utiles et reconnues par la communauté scientifique.

Visages de la recherche

Les Visages de la recherche sont des témoignages authentiques de celles et ceux qui façonnent la science au quotidien. À travers des rencontres avec des chercheuses, des chercheurs, ainsi que des personnels administratifs et techniques, Visages de la recherche met en lumière la diversité des métiers au sein du CNRS.

En partageant leurs parcours, leurs métiers, et leur vision de l'avenir, ces femmes et hommes révèlent des domaines scientifiques parfois méconnus et l'impact de leurs travaux sur les grands enjeux de notre société. Au-delà de leurs contributions scientifiques, ils incarnent l'engagement de la recherche publique, reflet de la mission du CNRS au service d’un progrès durable qui bénéficie à toute la société.

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