Visages de la Recherche | Mustapha Abdelmoula, conseiller en radioprotection

Visages de la recherche

Le CNRS est allé à la rencontre de Mustapha Abdelmoula, Ingénieur de recherche au Laboratoire de Chimie Physique et Microbiologie pour les Matériaux et l’Environnement (LCPME UMR7564) et conseiller radioprotection. Il a bien voulu répondre à nos questions pour mieux comprendre les enjeux et l'évolution de la réglementation en matière de radioprotection.​

​​​​L’utilisation de sources radioactives dans les laboratoires nécessite la mise en œuvre de mesures de prévention très encadrées par la réglementation au regard de la nature des risques liés aux rayonnements ionisants pour l'homme et l'environnement. Parmi les mesures obligatoires, la désignation d'un conseiller en radioprotection - ou personne compétente en radioprotection - par le directeur d'unité doit être réalisée préalablement à l'utilisation de sources radioactives.

Cette désignation est réalisée au titre du Code du travail pour la protection des travailleurs et au titre du Code de la santé publique pour la protection du public et de l’environnement.

 Les missions du conseiller en radioprotection sont donc variées et portent notamment sur :

  • la formation et l'information des travailleurs sur les risques liés à la radioactivité,
  • l'évaluation des risques,
  • la gestion et le suivi des sources et déchets et effluents,
  • la préparation de procédures d'urgence,
  • le suivi des procédures administratives liées aux activités nucléaires,
  • la définition et la mise en œuvre des dispositions relatives à la surveillance de l'exposition individuelle des personnels …

 

​ Entretien​

 

Mustapha Abdelmoula est Ingénieur de recherche au Laboratoire de Chimie Physique et Microbiologie pour le Matériaux et l’Environnement (LCPME UMR7564) et conseiller radioprotection. Il a bien voulu répondre à nos questions pour mieux comprendre les enjeux et l'évolution de la réglementation en matière de radioprotection :

 
Depuis combien de temps êtes-vous conseiller en radioprotection ?
Je suis conseiller en radioprotection [CRP] depuis 31 ans. A l’époque nous parlions de Personne Compétente en Radioprotection [PCR].

Pouvez-vous nous dire sur quel équipement vous travaillez et quel type de source vous utilisez ?
 J’ai travaillé et développé au laboratoire la spectrométrie Mössbauer pour l’isotope Fer 57 utilisant des spectromètres sur lesquels sont montées des sources radioactives scellées de Cobalt 57 (parent radioactif du Fer 57).

Pour être désigné conseiller en radioprotection, avez-vous suivi une formation spécifique ?
En effet, l’article 17 du décret relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants (décret du 2 octobre 1986 - soit quelques mois après la catastrophe de Tchernobyl) indique qu’une personne compétente désignée par l’employeur doit surveiller les travaux nécessitant l’utilisation de sources radioactives ou de générateurs de rayons X. Cette personne doit avoir suivi avec succès une formation à la radioprotection agréée par les ministères du travail, de la santé et de l’agriculture. Donc J’ai suivi ma première formation en radioprotection début 1993 à l’Institut de Physique Nucléaire de Lyon (IN2P3). 

NDLR : Une formation de recyclage doit ensuite être suivie tous les 5 ans afin de renouveler le certificat sans lequel le CRP ne peut plus exercer sa fonction.

Dans quelle mesure la règlementation a-t-elle évolué depuis que vous êtes amené à travailler avec la radioactivité ?
Tout d’abord le mode organisationnel et la gouvernance ont changé au niveau national avec les transformation et évolutions des organismes administratifs de la C.I.R.E.A vers la DGSNR et enfin l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) d’un côté et le ​SCPRI vers l'OPRI et enfin l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN).   

Les objectifs issus des textes réglementaires du législateur n’ont pas beaucoup évolué que ce soit pour les opérations de contrôle, périodicité et recyclage pour les formations des conseillers, zonage, suivi des sources et contrôle périodique, etc …


En revanche, des mises à jour du régime de protection des travailleurs ont été effectuées avec des évolutions concernant notamment : 

  • Les limites réglementaires et principe d’optimisation (limite d’exposition du cristallin réduite à 20mSv/an au lieu de 150 mSv/an).
  • ​L’organisation de la radioprotection qui repose désormais sur la désignation d’un « conseiller en radioprotection », lequel pourra être, selon le choix de l’employeur soit la personne compétente en radioprotection (PCR), personne physique salariée de l’établissement, soit un organisme compétent en radioprotection (OCR) certifié.


Au-delà de la mission de conseil en matière de protection des travailleurs, les missions du CRP et de l’OCR se sont étendues aux questions de protection de la population et de l’environnement ; de plus, le CRP ou l’OCR peuvent désormais réaliser à la demande de l’employeur certaines vérifications techniques internes confiées auparavant aux organismes de contrôle technique agréés par l’ASN.

Je pense également au contrôle des expositions au radon qui est désormais étendu à tous les lieux de travail, en sous-sol et rez-de-chaussée, alors que seuls les milieux souterrains étaient soumis auparavant à une surveillance obligatoire.

Quels aspects du rôle de conseiller en radioprotection vous plaisent le plus ?
La PCR était relativement isolée dans son laboratoire jusqu’à la création des services prévention et sécurité dans les délégations régionales du CNRS vers le début des années 2000.  La nomination de responsables compétents en hygiène et sécurité (englobant la radioprotection) m’a largement aidé à optimiser mes missions de radioprotectionniste. En effet, l’organisation de formations locales et régionales a permis la mise en place d’un mode de travail en réseau entre les différents acteurs de la radioprotection (conseillers, médecin travail, IRPS). Enfin la reconnaissance de notre lettre de mission a permis une véritable montée en puissance de mon expertise dans mes activités au quotidien (gestion des sources, mise en place d’un zonage, gestion des déchets, formation du personnel, etc…)

… et quels sont ceux qui vous ont posé le plus de difficultés ?
Durant ce que j’appellerai « les années de plomb » (désolé pour le jeu de mots), de 2005 à 2007, nous avons traversé au sein de beaucoup de laboratoires une période assez compliquée avec le blocage d’un certain nombre de demandes d’autorisations (détention et utilisations de sources scellées) par les services de l’ASN. En effet, certains inspecteurs de l’ASN souhaitaient la mise en œuvre et l’application stricte de certaines consignes issues du code du travail et de la santé publique et de l’environnement. Heureusement, il a été retenu de mieux graduer les exigences en fonction des risques encourus par les travailleurs mais aussi de rapprocher la démarche applicable au risque « rayonnements ionisants » de celles suivies pour les autres risques professionnels.

Que conseilleriez-vous aux conseillers en radioprotection nouvellement désignés ?
Afin de bien réussir le décryptage réglementaire pour démystifier la complexité de la radioprotection, il est absolument nécessaire de travailler en réseau avec les différents acteurs cités auparavant de la radioprotection (conseillers, médecin travail, formateurs, IRPS). La visite de certains forums techniques permet également de mieux comprendre les principales évolutions sur les aspects réglementaires, pratiques et opérationnelles de la radioprotection.

Quelle anecdote ou souvenir marquant souhaiteriez-vous nous confier ?
Il s’agit d’une phrase (que j’ai toujours gardée en tête) inscrite sur une affiche dans une salle de l’Université que je fréquentais comme étudiant pour mes TP de physique nucléaire et qui soulignait l’équilibre à trouver entre le législateur et le chercheur ou l’ingénieur :

« Il n’est pire risque que celui que l’on ignore, soit que, en en bravant les effets, on néglige les précautions élémentaires pour s’en protéger ou qu’à force de le craindre, on tombe dans l’excès inverse qui consiste à appliquer des contraintes aveugles interdisant toute activité créatrice ».​
 


 

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Les Visages de la recherche sont des témoignages authentiques de celles et ceux qui façonnent la science au quotidien. À travers des rencontres avec des chercheuses, des chercheurs, ainsi que des personnels administratifs et techniques, Visages de la recherche met en lumière la diversité des métiers au sein du CNRS.

En partageant leurs parcours, leurs métiers, et leur vision de l'avenir, ces femmes et hommes révèlent des domaines scientifiques parfois méconnus et l'impact de leurs travaux sur les grands enjeux de notre société. Au-delà de leurs contributions scientifiques, ils incarnent l'engagement de la recherche publique, reflet de la mission du CNRS au service d’un progrès durable qui bénéficie à toute la société.

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