Visages de la recherche | Eva Buchi, membre d'honneur de l'Académie de la langue Asturienne

Visages de la recherche

Le CNRS est allé à la rencontre d'Eva Buchi, directrice de recherche CNRS à l’ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), à l’occasion de sa nomination, le 3 mai 2024, en tant que membre d’honneur de l’Académie de la Langue Asturienne (ALLA).

L’Académie de la Langue Asturienne, quézaco ?

L’Academia de la Llingua Asturiana (ALLA), fondée en 1980, dans le contexte post-franquiste qui a ouvert la voie à l’étude des langues régionales d’Espagne, interdites dans l’espace public sous la dictature, se propose la documentation, l’étude et la codification de l’asturien, la langue romane parlée dans les Asturies (au nord-ouest de l’Espagne) ; elle édite notamment un dictionnaire de référence, le Diccionariu de la Llingua Asturiana (DALLA). L’ALLA ressemble donc beaucoup à l’Académie française, à cela près qu’elle a trois siècles de retard par rapport à cette dernière, ce qui s’explique par le statut socio-linguistique très différent des deux langues. Tandis que le français fonctionne, depuis l’Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, comme une langue dominante, qui a fini par réduire à la portion congrue des langues minoritaires comme le basque ou l’occitan, l’asturien a au contraire mené pendant des siècles une existence de langue dominée, réduite à la sphère privée, à l’ombre de l’espagnol.

Quelle activité de recherche vous a valu cette nomination en tant que membre honoraire de l’Académie de la Langue Asturienne ?

Lors de son discours de nomination dans le Théâtre Campoamor, Xosé Antón González Riaño, le président de l’ALLA, a cité les quelques travaux que j’ai consacrés à l’asturien, ainsi que mon statut de membre du conseil scientifique de la revue Lletres Asturianes. Mais il a surtout insisté sur mes travaux en linguistique historico-comparative des langues romanes, qui analysent l’asturien au sein de sa famille linguistique. Cette dernière comprend l’espagnol, le français, l’italien, le portugais, le roumain, mais aussi des idiomes moins diffusés comme le catalan, le francoprovençal, le galicien, le ladin ou encore le romanche. Or, l’approche comparative des langues romanes constitue une spécificité de l’ATILF dans le contexte national et même international : au-delà d’une personne, l’ALLA a voulu rendre hommage à notre laboratoire dans son ensemble.

L’Académie de la Langue Asturienne a-t-elle aussi nommé des membres numéraires lors de la cérémonie du 3 mai ?

Selon ses statuts, l’ALLA comprend au maximum 25 membres numéraires ; cette année, deux sièges vacants ont été repourvus, par la nomination de la linguiste Claudia Elena Menéndez Fernández et de l’écrivain Pablo Rodríguez Medina. J’ai été émue par les discours de réception prononcés par les deux impétrants, qui ont souligné, chacun à sa manière, leur attachement à leur langue maternelle. Il faut souligner que, même si l’asturien connaît une tradition écrite ininterrompue depuis le 11ᵉ siècle, Pablo et Claudia font partie de la première génération d’Asturiens à pouvoir exprimer leur pensée en asturien dans toutes les sphères de la vie publique : par exemple, Claudia a rédigé et soutenu sa thèse en asturien.

Quelle est votre vision des relations partenariales avec l’Académie de la langue asturienne ?

L’ATILF est déjà lié à l’ALLA, car Ana María Cano González, un de ses membres numéraires (et, soit dit passant, son ancienne présidente) et Claudia Elena Menéndez Fernández sont membres du projet international Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) hébergé par le laboratoire. Mais les membres de l’ALLA sont d’excellents linguistes et philologues, et je souhaiterais que les liens entre nos deux institutions soient consolidés par la signature d’un accord de partenariat, qui pourrait par exemple permettre à des atilfiens de participer gratuitement à l’école d’été que l’ALLA organise tous les ans. J’ai pris rendez-vous avec Mathieu Constant, le directeur de l’ATILF, pour lui soumettre cette proposition.

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Les Visages de la recherche sont des témoignages authentiques de celles et ceux qui façonnent la science au quotidien. À travers des rencontres avec des chercheuses, des chercheurs, ainsi que des personnels administratifs et techniques, Visages de la recherche met en lumière la diversité des métiers au sein du CNRS.

En partageant leurs parcours, leurs métiers, et leur vision de l'avenir, ces femmes et hommes révèlent des domaines scientifiques parfois méconnus et l'impact de leurs travaux sur les grands enjeux de notre société. Au-delà de leurs contributions scientifiques, ils incarnent l'engagement de la recherche publique, reflet de la mission du CNRS au service d’un progrès durable qui bénéficie à toute la société.

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