Visages de la Recherche | Alexandre Locquet, lauréat du prix EOS 2024

Le CNRS Centre-Est est allé à la rencontre d’Alexandre Locquet, chargé de recherche CNRS à GeorgiaTech Europe et qui a reçu le prix de l’European Optical Society (EOS) 2024. 

Que représente cette distinction pour vous ? 

Cette distinction représente une reconnaissance précieuse des recherches que mes co-auteurs, Min Zhai, David Citrin, et moi-même avons menées dans le domaine de l'imagerie térahertz (THz) pour l'analyse non destructive. Le prix de l'European Optical Society (EOS) récompense notre article pour son impact scientifique et son innovation dans ce domaine. Ce prix est décerné chaque année pour le meilleur article publié dans le journal en ligne en accès libre de l'EOS (JEOS-RP) et est sélectionné par un comité composé des deux rédacteurs en chef de JEOS-RP et du Past President de l’EOS. Remis officiellement à l’occasion de la conférence annuelle de l'EOS, EOSAM, il consiste en un diplôme ainsi qu'en une invitation à présenter une conférence plénière.

Cette reconnaissance met en lumière l'importance des travaux que j'ai co-dirigés, et souligne mon engagement à explorer encore davantage l'application des technologies THz, notamment dans des secteurs aussi variés que la conservation du patrimoine et l'industrie. Ce prix représente également une belle opportunité pour nous de renforcer nos collaborations internationales et de continuer à explorer de nouvelles applications pour l'imagerie THz.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur les travaux de recherche qui ont été primés ? 

L'article primé présente une méthode innovante pour l'analyse non destructive de piles de feuilles de papier en utilisant l'imagerie térahertz (THz) couplée à une technique avancée de traitement du signal, la déconvolution parcimonieuse. Cette approche a des applications prometteuses, notamment dans le domaine du patrimoine culturel et de l'industrie.

Les ondes THz, situées entre l'infrarouge et les micro-ondes dans le spectre électromagnétique, ont la capacité unique de pénétrer des matériaux non conducteurs comme le papier, tout en restant non nocives pour les humains, contrairement aux rayons X. De plus, elles ne nécessitent pas de milieu de couplage comme les ultrasons, rendant leur utilisation plus pratique pour l'analyse d'objets délicats. Grâce à la tomographie THz, il est possible de recueillir des informations sur la structure interne des objets, comme l'épaisseur et le nombre de couches d'une pile de feuilles de papier.

La méthode développée repose sur la déconvolution parcimonieuse, une technique qui permet de reconstruire précisément les signaux THz réfléchis par les différentes couches du papier, même en présence de bruit et de dispersion des signaux. Cette approche est particulièrement efficace pour résoudre des échos complexes et distinguer des couches très fines. Par rapport aux méthodes classiques de traitement du signal, la déconvolution parcimonieuse offre une meilleure résolution tout en étant plus rapide.

Les applications dans le domaine du patrimoine culturel sont nombreuses. Par exemple, cette méthode permet d'examiner des piles de documents anciens, tels que des manuscrits ou des archives, sans les manipuler directement. Elle pourrait être utilisée pour mesurer l'épaisseur des feuilles ou pour détecter des altérations internes, comme des traces de moisissure ou des dégradations, sans risquer d'endommager les œuvres. De plus, la technique offre une nouvelle voie pour l'authentification non invasive des documents historiques, en permettant une analyse précise de leur structure interne sans nécessiter de contact direct.

En parallèle, dans le secteur industriel, cette technologie peut être utilisée pour le contrôle de qualité des matériaux multicouches, tels que les plastiques ou les composites, ainsi que pour l'inspection non destructive dans la production de papier.

En résumé, cette technologie d'imagerie THz associée à la déconvolution parcimonieuse constitue une avancée dans la préservation et l'étude des œuvres sur papier dans le domaine du patrimoine culturel, tout en offrant des applications industrielles précieuses pour l'analyse rapide, fine et non destructive de structures multicouches.

 

Quelle est la suite de vos travaux ?

Mes recherches sur l'imagerie térahertz (THz) continueront à explorer des applications dans des domaines variés, en mettant l'accent sur l'amélioration des techniques de traitement du signal et l'intégration de l'intelligence artificielle pour l'analyse en temps réel. Je travaille également sur la fusion de différentes techniques de contrôle non destructif, ce qui permet d'obtenir des diagnostics plus précis et complets dans des environnements complexes.

Dans un avenir proche, je me concentrerai sur l'amélioration de la performance de l'imagerie THz et l'extension de ses applications, notamment dans l'industrie et le patrimoine culturel. Parallèlement, mes travaux portent sur la caractérisation de matériaux et de revêtements de surface dans des secteurs variés tels que les matériaux composites, la sidérurgie, le biomédical, ainsi que les communications de nouvelle génération, comme le 6G. Je continue également à développer des collaborations industrielles pour faciliter l'application pratique des technologies développées en laboratoire, tout en contribuant à l'amélioration des processus de contrôle non destructif.

 

Quel a été votre parcours pour en arriver là aujourd'hui ? 

Je suis actuellement chargé de recherche au CNRS et je travaille au sein du laboratoire international Georgia Tech-CNRS (IRL 2958) à Metz. Mon parcours académique est international et interdisciplinaire, avec un doctorat en Electrical Engineering obtenu auprès du Georgia Institute of Technology. Mes recherches se concentrent principalement sur deux axes : la dynamique des lasers à semiconducteurs et l’imagerie térahertz (THz) pour l’évaluation non destructive.

Dans le domaine des dynamiques non linéaires, mes activités incluent des projets en télécommunications et en calcul neuro-inspiré. En parallèle, mes travaux en imagerie THz couvrent des secteurs variés, tels que la sidérurgie, les matériaux composites, le biomédical et la conservation du patrimoine culturel, avec le développement de techniques innovantes pour l'analyse non destructive.

Mon parcours scientifique m'a conduit à collaborer avec des partenaires industriels et universitaires, tant en Europe qu’aux États-Unis. En parallèle de mes activités de recherche, j'enseigne également à Georgia Tech Europe, où j’ai eu l’opportunité de développer et de dispenser des cours en dynamique non linéaire et ses applications, ainsi qu’en statistique.