L'oxydation biologique de l'ammonium préfigure la grande oxygénation de l’atmosphère terrestre

Résultats scientifiques Ecologie & environnement
  • La composition isotopique de l’azote de sédiments océaniques Précambriens démontre qu’un cycle biologique oxydatif de l’azote a émergé il y a environ 2,7 milliards d’années.

  • Cette nouvelle voie métabolique implique la présence d’un cycle cryptique de l’oxygène, au moins 200 millions d’année avant la grande oxygénation de la surface terrestre.

  • La photosynthèse oxygénique opérait déjà dans les eaux de surface de l’Océan Néo-Archéen. 

Ces travaux, publiés dans la revue Nature, visent à comprendre les évolutions conjointes des cycles biogéochimiques de l’azote et de l’oxygène au Néo-archéen, entre 2,8 et 2,6 milliards d’années, en s’appuyant sur l’enregistrement sédimentaire des signatures isotopiques de l’azote. Les résultats obtenus pour cet intervalle de temps présentent une variabilité extrême qui reflèterait l’émergence de métabolismes oxydatifs de l’ammonium impliquant l’apparition de conditions micro-aerophiliques. Ils montrent donc que la production d’oxygène par la photosynthèse existait déjà au Néo-archéen, et était alors suffisamment importante pour permettre une réorganisation majeure du cycle biogéochimique de l’azote, marquant une des toutes premières étapes de l’oxygénation de la Terre.

La composition isotopique de l'azote (d15N) des roches sédimentaires peut être utilisée pour identifier les métabolismes du cycle biologique de l’azote et pour tracer le degré d’oxydation des paléoenvironnements. En effet, la composition isotopique de l’azote de la matière organique biologique est dépendante des conditions d’oxydo-réduction au sein de la colonne d’eau (la nitrification nécessite des conditions localement oxydantes, tandis que la dénitrification et l’oxydation anaérobie de l’ammonium (anammox) se produisent en conditions suboxiques ou anoxiques). Malgré cette sensibilité redox de l’azote, l’enregistrement sédimentaire du d15ne présente aucun changement significatif lors de la grande oxygénation de la surface terrestre, qui a eu lieu entre 2,5 et 2,2 milliards d’années. Cela suggère un découplage temporel entre l'émergence de la première voie oxydative basée sur l'oxygène du cycle biogéochimique de l'azote et l'accumulation d'oxygène libre dans l'atmosphère après 2,5 milliards d’années.

Dans cette étude, nous rapportons des valeurs de d15N extrêmement positives provenant de la Formation Serra Sul datée à 2,68 Ga (Brésil). Nous démontrons que ces valeurs soulignent le début de l'oxydation biologique de l'ammonium, un métabolisme dépendant de l'O2. Cette étude ajoute une évidence supplémentaire à l’hypothèse que la photosynthèse oxygénique opérait déjà dans les eaux de surface plusieurs centaines de millions d'années avant la grande oxygénation et engendrait un cycle cryptique de l'oxygène restreint à la zone photique. Nous montrons ici que les conséquences de cette augmentation du niveau d’oxydation des océans de surface ne se limite pas à une redistribution des concentrations en éléments traces des sédiments (Mo, U, Cr), mais favorise également l’émergence de nouvelles voies métaboliques d’un élément majeur pour la biosphère tel que l’azote.

Illustration du travail sous ligne à vide nécessaire à la mesure de isotopes de l’azote dans les sédiments de cette étude. © Magali Ader
Échantillon de conglomérat à clastes orientés et matrice sableuse de la Formation Serra Sul (la flèche pointe vers le sommet stratigraphique et sa taille et de 1 cm) © Pascal Philippot

Pour aller plus loin

  • Pellerin, A., Thomazo, C., Ader, M., Rossignol, C., Rego, E. S., Busigny, V., & Philippot, P. (2024). Neoarchaean oxygen-based nitrogen cycle en route to the Great Oxidation Event. Nature. https://doi.org/10.1038/s41586-024-07842-x
  • Stüeken, E. E., Pellerin, A., Thomazo, C., Johnson, B. W., Duncanson, S., & Schoepfer, S. D. (2024). Marine biogeochemical nitrogen cycling through Earth’s history. Nature. https://doi.org/10.1038/s43017-024-00591-5

Contact

Alexandre Pohl
Chargé de recherche CNRS