La difficulté d’apprentissage de la lecture liée au port du masque de l’enseignant
Le masque porté par les enseignants en raison de la pandémie liée à la Covid-19 met certains élèves en difficulté lors de l’apprentissage de la lecture : ceux qui peinent à discriminer les sons du langage. C’est ce qu’ont prouvé des chercheurs et chercheuses du Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (Loria), du Laboratoire de psychologie cognitive et de l’Université de Genève grâce à une étude effectuée sur des élèves de 5 à 7 ans publiée le 12 mai en format électronique et le 9 juin dans la revue papier de L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology.
L’expression faciale et la lecture labiale pour une meilleure compréhension orale
Dans une situation de communication, la prise en compte de l’expression faciale, plus particulièrement la lecture labiale, facilite la compréhension orale. Elle aide entre autres à reconnaitre les phonèmes, qui sont prononcés en un seul mouvement articulatoire dans une syllabe, avec des variations plus ou moins visibles sur les lèvres. La pandémie liée à la Covid19 oblige les enseignants à porter le masque. Cette situation a suscité le questionnement des chercheurs et chercheuses quant à une éventuelle incidence par rapport à l’apprentissage de la lecture pour les élèves de 5 à 7 ans, notamment au regard de l’importance de la mise en relation entre les graphèmes, c’est-à-dire les lettres ou groupes de lettres, et les phonèmes, les sons élémentaires du langage oral, lors de cet apprentissage.
Une étude menée sur deux groupes d’enfants dans le contexte de la Covid-19
Les chercheurs et chercheuses ont donc mené une étude auprès de deux groupes d’élèves, suivis de l’âge de 5 à 7 ans. Un premier groupe dit « à risque » de devenir mauvais lecteur avec de faibles capacités de discrimination phonémique et un groupe contrôle considéré « non à risque » avec de bonnes capacités de discrimination phonémique ont ainsi été observés. Pour évaluer l’effet de l’impossibilité de recourir à la lecture labiale dans une épreuve qui mobilise la discrimination et la mémorisation des sons de la parole, une tâche de comptage syllabique a été proposée à ces enfants à 5 ans et à 7 ans. Les enfants ont été plongés dans deux situations : avec et sans la possibilité d’utiliser la lecture labiale.
Cette étude a montré que le recours à la lecture labiale profite seulement au groupe « à risque ». En effet, les élèves issus de ce groupe parviennent mieux à compter le nombre de syllabes dans les mots lorsqu’ils ont accès au visage du locuteur. En revanche, les élèves du groupe « non à risque » sont peu sensibles au recours à la lecture labiale, quel que soit leur âge, il n’y a pas de différence dans leurs performances selon que le visage du locuteur soit visible ou non.
Ces résultats indiquent que dans le contexte de la pandémie liée à la Covid-19 où les enseignants portent un masque, cette condition peut interférer avec l’apprentissage de la lecture chez des élèves « à risque » par rapport à cet apprentissage en raison d’un déficit de discrimination phonémique.
L’équipe de recherche réunit Agnès Piquard-Kipffer, maître de conférences à l’Université de Lorraine et chercheuse au Loria, Liliane Sprenger-Charolles, directrice de recherche CNRS au Laboratoire de psychologie cognitive, Edouard-Gentaz, professeur et Thalia Cavadini, doctorante, tous deux à l’Université de Genève.
Référence
Agnès PIQUARD-KIPFFER, Thalia CAVADINI, Liliane SPRENGER-CHAROLLES & Edouard GENTAZ (In press). Impact of lip-reading on speech perception in French-speaking children at-risk for reading failure assessed from age 5 to 7.
L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology
Version électronique de l’article : https://www.cairn.info/revue-l-annee-psychologique-2021-2-page-3.htm